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un syndicat qui acceptait pour programme, une fois la constitution votée, de lui donner fair play et d’en tirer le meilleur parti possible, à l’exemple de ce qu’avait fait Lafontaine, en 1840.

Quand survint l’opposition des provinces maritimes, le droit d’amendement redevenait ouvert de plein droit ; lorsqu’au mois de février 1866 la Minerve et quelques autres journaux commencèrent à répandre la rumeur que la question ne serait pas soumise de nouveau aux chambres et que Cartier consentait à remettre les difficultés à l’arbitrage impérial. Alors, les patriotes du Courrier de St. Hyacinthe publièrent un article, dans lequel ils déclaraient nettement que, si le principe de l’arbitrage était accepté, ils passeraient à l’opposition. La légende raconte même que l’article était dû à la plume de M. de la Bruère. Quinze jours plus tard, le nouveau malheur qu’on avait prévu se réalisa. Cartier proposa comme on l’avait annoncé, de soumettre les difficultés pendantes à l’arbitrage impérial. Il n’y avait plus, pour les patriotes, qu’à exécuter leur menace et à passer à l’opposition. Cette fois encore, ils furent unanimes ; et cette fois encore, M. de la Bruère rédigea l’article de rupture. Mais, sans doute, il eut dans la nuit quelqu’une de ces illuminations soudaines, que la grâce du gouvernement tory sait répandre sur le chemin des opposants, qui n’attendent qu’un sourire d’en haut, pour se convertir à la mauvaise cause triomphante.

Le lendemain matin, MM. de la Bruère et Bernier avaient changé d’avis et ils déclarèrent que décidément l’article ne paraîtrait pas. On sait que cette conversion opportune leur a valu depuis, dans les rangs conservateurs, quelques bonnes fortunes politiques. Mais il ne restait plus à MM. Mercier et de Cazes qu’à se retirer du Courrier de St. Hyacinthe, cette fois-ci définitivement. On se souvient que, depuis lors, dans l’afifaire de Riel, le journal de M. de la Bruère a été aussi souple et aussi humble, mais moins avisé que par le passé. Le 16 novembre, il a désavoué le meurtre de Riel ; mais huit jours après, il s’est désavoué lui-même, et il est retourné aux pendards.

À la suite de cette rupture, M. Mercier se retira pendant cinq ans de la vie politique, pour se dévouer exclusivement à l’exercice de sa profession ; et il ne reparut dans l’arène qu’en 1871, lors de la formation du parti national.