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Alors, il s’est trouvé un homme qui, au lendemain de ces revers, n’a jamais voulu désespérer de son pays. Rassembler les éléments du parti libéral, en refaire une armée et la mener à la victoire, cela semblait une tâche impossible. M. Mercier a tenté cette tâche avec un dévouement absolu, mais aussi avec une confiance tenace. Cet homme politique, qui n’a encore fourni que la première partie de sa carrière, est de ceux qui savent vouloir, qui ont la conscience de leur force et qui ont le don de réussir. Il a accompli en quatre ans une œuvre qui, de l’aveu de tous, paraissait exiger un quart de siècle. Il a fait quelque chose de plus grand que de sauver son parti ; il a su identifier ce parti avec l’âme même de la province. Grâce à lui, les vaincus de 1879 et de 1881 ne sont pas seulement les vainqueurs d’aujourd’hui ; ils ne sont pas seulement la majorité, ils sont devenus la personnification de l’idée nationale.

Comment cette transformation s’est-elle opérée ? Les événements y ont sans doute eu leur part. Les extravagances et les abus de toute sorte du régime tory, et finalement le crime de Régina ont mis la patience du peuple à une trop rude épreuve. Il fallait que le sentiment public se fît jour et que le patriotisme canadien-français eût son explosion. Le rare mérite de M. Mercier est d’avoir prévu cette explosion et d’avoir compris, bien avant l’insurrection du Nord-Ouest et la barbare exécution de Riel, que pour régénérer la politique de ce pays, il fallait mettre de côté les traditions étroites de parti, faire appel à tous les hommes de bonne volonté et s’appuyer résolument sur le sentiment national.

Avant de retracer les phases diverses d’une carrière, dont l’unité éclate aujourd’hui à tous les yeux, il semble qu’on puisse la résumer en disant que M. Mercier a constamment obéi dans sa vie publique à deux idées qui, à vrai dire, n’en font qu’une. Auparavant, les échecs du parti libéral n’étaient point exempts de quelques fautes de tactique et de certaines erreurs de conduite, qu’il faut savoir reconnaître. M, Mercier était d’autant plus propre à réparer ces défauts et ces erreurs, que lui-même ne les avait pas partagées. Tel nous le trouverons, en 1862, partisan de la politique de conciliation avec le ministère Sicotte, en