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le vice suprême

bohème à la Glatigny, arrêté pour des vers contre Alphonse, et gracié par Leonora.

Bojo dessina un billet d’invitation où était reproduit, du geste indiquant le programme, l’ironique et adorable précurseur du Louvre. Sur un cartouche :

« Le rôle de la princesse Leonora d’Este, sera joué par la princesse Leonora d’Este. »

Tout le livre d’or toscan se rendit au Poggio, et admira les fresques froides où Leonora avait cependant rendu, en une noblesse hautaine d’attitudes, cette suprême aristocratie : la virginité. Warke exécuta certains morceaux de sa composition, qu’il fit dire, être de la princesse, Aussi quand ce public exceptionnel prit place dans la salle de spectacle, était-il déjà deux fois admirativement prévenu.

Tandis qu’elle revêtait un exact costume de son aïeule, Torelli entra dans sa loge et l’embrassant : — « Vous rougissez de votre tuteur, lui est fier de pupille ! »

La paix se fit ainsi. Derrière le duc, quelqu’un venait qu’il présenta, sans que Leonora se dérangeât que par un mouvement de tête dans la glace :

— « Le prince Sigismond Malatesta… »

La toile se leva sur la terrasse du Palais ducal. L’Arioste et le Garofalo parlèrent d’un poète vagabond qu’Alphonse avait emprisonné pour une canzone railleuse. Puis Leonora parut et si d’Este, que ce public patricien applaudit avec frénésie cette revenante de la Renaissance. L’enthousiasme dura toute la pièce.

Quand Leonora donna au poète le parchemin de sa grâce, celui-ci se jetant à ses genoux, en une déclaration d’amour fou, s’écria « qu’il préférait se serviliser auprès d’elle que de ne plus la voir, et que pour un baiser il donnerait plus que son génie, son indépendance. »

Alors, la princesse le renvoyait à sa lyre :

— « Sois fidèle à l’idéal, ô poète ! N’aime que les idées ;