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le vice suprême

Le quart de trois heures sonna, elle fit le mouvement de se lever, réfléchit et tira les rideaux sur elle en riant. Que risquait-elle en s’offrant le spectacle de la use princesse indignée ?

À trois heures, les voyageurs entrèrent au Palais ; le majordome dit à Leonora que son tuteur était absent, et vivement elle courut à sa chambre ; là, quittant sa robe, en jupe et en corset, elle se lava de la poussière du wagon.

En allant par la pièce, elle vit les rideaux de son lit fermés et les écarta ; ses bras restèrent suspendus de surprise.

Sur l’oreiller aux armes d’Este, riait, d’un rire bête, une tête peinte, aux cheveux roux ébouriffés. L’éraillement de ce rire expliqua à Leonora qui était là. Arrachant les couvertures, elle précipita l’intruse hors du lit.

Gaga se releva injurieuse, la menaçant de son tuteur.

Une gite lui ferma la bouche et la fit tomber assise sur un tabouret.

Toujours muette, Leonora sonna violemment et aux domestiques accourus :

– « Jetez cela à la rue, » ordonna-t-elle, en étendant le bras vers Gaga en chemise et pleurante.

Valets et femmes de chambre restèrent immobiles ; ils craignaient tous l’influence absolue de la fille sur le duc.

– « Hein ? Ce que l’on t’écoute ? » s’écria Gaga enhardie. « Je vais te la rendre ta gifle et comme à une gamine. »

Elle saisit Leonora par son court jupon ; celle-ci se dégagea fiévreusement et saisissant sa cravache sur une tablette, elle en fouetta l’air autour d’elle.

– « Touche un peu… » dit Gaga.

Leonora blémit sous l’épithète, et saisissant la fille