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d’être ridicule, de paraître ridicule, la peur de passer pour un imbécile. On peut croire ou ne pas croire (enfin nous nous entendons ici). Mais honte à celui qui renierait son Dieu pour ne point faire sourire les gens d’esprit. Honte à celui qui renierait sa foi pour ne pas donner dans le ridicule, pour ne point prêter à sourire, pour ne point passer pour un imbécile. Il s’agit ici de l’homme qui ne s’occupe pas de savoir s’il croit ou s’il ne croit pas. Il s’agit de l’homme qui n’a qu’un souci, qui n’a qu’une pensée : ne pas faire sourire M. Anatole France. Il s’agit de l’homme qui vendrait son Dieu pour ne pas être ridicule. Il s’agit de l’homme qui craint, de l’homme qui a peur, du malheureux qui tremble dans sa peau de la peur d’avoir peur, de la peur d’avoir l’air, de la peur d’avoir l’air d’être dupe (de ce qu’il dit), de la peur de faire sourire un des augures du Parti Intellectuel. Il s’agit de l’homme, du malheureux apeuré, qui regarde de tous les côtés, qui lance timoré des regards circonvoisins pour être bien sûr que quelqu’un de l’honorable assistance n’a point souri de lui, de sa foi, de son Dieu. C’est l’homme qui lance tout autour de lui des regards préventifs. Sur la société. Des regards de connivence. C’est l’homme qui tremble. C’est l’homme dont le regard demande pardon d’avance pour Dieu ; dans les salons.

§ 178. — Telle est malheureusement exactement la situation de M. Laudet, ou de M. le Grix, selon qu’il se nomme. Tout son article tremble, tout son article sue la peur de paraître croire aux yeux du Parti Intellectuel. — Voyons, vous m’entendez bien, je ne suis pas si bête que de croire tout, je ne suis pas si bête que de