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nous ne serions plus dans le royaume. Que Jésus ne serait plus de ce temps, (lui qui est de tous les temps). Qu’il y aurait eu une coupure, en chrétienté, en christianisme. Une coupure horizontale temporelle absolue. Que nous n’aurions pas le droit d’être chrétiens comme nos pères. Que Jésus en somme ne serait pas venu pour sauver tout le monde, — (quelle monstrueuse hérésie), — mais seulement certains siècles, une certaine couche horizontale du temps. Que Jésus en somme ne serait pas de tous les temps. Que chez nous littéralement il ne serait pas chez lui. Que dans notre monde, dans notre temps il ne serait pas dans un monde à lui, dans un temps à lui. Que ce serait aujourd’hui, désormais, fini de lui, et pour lui. Que nous ne sommes pas, que nous ne sommes plus chrétiens naturellement, par une opération interne, naturelle, ordinaire, mais par on ne sait quel coup, factice, par on ne sait quelle gageure d’un artifice extraordinaire. Cette idée, cette hérésie, cette proposition si formellement hérétique que quand notre siècle veut être ce que M. Laudet nomme fervent et qui veut dire tout uniment chrétien, il ferait quelque chose d’extraordinaire, une sorte d’entreprise de gageure d’archaïsme, il ferait on ne sait quoi d’artificiel et de faux, il ferait, il entreprendrait quelque chose qui ne serait pas de son droit, de sa nature, de son dedans, de sa règle.

§ 251. — Faut-il vous redire, monsieur Laudet, faut-il vous redire une dernière fois notre foi. Faut-il vous redire une dernière fois votre catéchisme. Que l’Église est une dans tous les sens de ce mot et notamment dans les siècles. Que l’Église a reçu des