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et essentiellement un rationalisme. Même une philosophie qui serait, ou qui voudrait être, contre la raison, serait quand même rationaliste. Une philosophie ne peut jamais apporter que des raisons. Le cartésianisme a été dans son principe un effort pour conduire la raison à la recherche de la vérité dans les sciences, (mais par sciences Descartes entendait évidemment une partie de ce que nous nommons métaphysique, et au moins les métaphysiques des sciences). Le bergsonisme a été dans son principe un effort pour conduire la raison à l’étreinte de la réalité. (Dans les sciences, dans les métaphysiques des sciences, dans la métaphysique). Déjà le platonisme avait été dans son principe un effort pour conduire la raison par la dialectique idéale ou si l’on veut idéique à la source même de l’être. Le bergsonisme a été un effort aussi grand, un effort du même ordre, et je dirai un effort dans le même sens. Il n’y a pas plus de philosophie contre la raison qu’il n’y a de bataille contre la guerre, d’art contre la beauté, de foi contre Dieu. Le bergsonisme n’a jamais été ni un irrationalisme ni un antirationalisme. Il a été un nouveau rationalisme et ce sont les grossières métaphysiques que le bergsonisme a déliées (métaphysiques matérialistes, métaphysiques médico-légales, métaphysiques neuro-physiologiques, métaphysiques sociologiques et tant d’autres) qui étant des durcissements, des scléroses, des raidissements, des ankyloses, étaient littéralement des amortissements de la raison. Toutes ces métaphysiques étaient des sabotages par dureté de la raison. Elles étaient des esquilles et des eschares. Le bergsonisme est si peu contre la raison que non seulement il a fait rejouer les vieilles articulations de la