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Descartes et le monde ont suivi l’ébranlement cartésien.

Une grande philosophie n’est pas celle où il n’y a rien à reprendre. C’est celle qui a pris quelque chose.

Une grande philosophie n’est pas celle qui est invincible en raisonnements. Ce n’est même pas celle qui une fois, une certaine fois, a vaincu. C’est celle qui, une fois, s’est battue.

Et les petites philosophies, qui ne sont pas même des philosophies, sont celles qui font semblant de se battre.

Il s’agit bien de confondre et de convaincre. Quand c’est fini nul n’est confondu, nul aussi n’est convaincu. Mais les uns sont enregistrés, les uns sont incorporés. Les autres ne le sont pas.

Cette proposition de Descartes que les cieux, les astres, une terre, de l’eau, de l’air, du feu, des minéraux et quelques autres telles choses seraient les plus communes de toutes et les plus simples, et par conséquent les plus aisées à connaître nous paraît aussitôt saugrenue. Qu’importe. Ce qu’il faut savoir, c’est si les premiers mots de ce Discours de la Méthode ont été le point d’origine d’un immense ébranlement, d’une onde, d’une immense vague circulaire dans l’Océan de la pensée. Sur la face de l’océan de la pensée.

Une grande philosophie n’est pas celle qui est le premier en composition. Ce n’est pas celle qui est le premier en dissertation. C’est dans les classes de philosophie que l’on vainc par des raisonnements. Mais la philosophie ne va pas en classes de philosophie.

Une philosophie aussi n’est point une chambre de justice. Il ne s’agit pas d’avoir raison ou d’avoir tort.