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tervenir l’expérience. Il admet, il veut que marchant à l’envers, recurrens, regrediens, l’expérience remonte (partant des faits, des phénomènes, des observations, des expériences), qu’elle aille au devant de cette voie déductive qui était restée pour ainsi dire sur le tranchant du sort.

La réalité, en chacun de ses points, est comme une ville bloquée. L’armée royale est partie au secours. Mais l’armée royale ne peut parvenir elle-même et il faut qu’une sortie de la place même vienne au devant d’elle et lui donne la main. En ce point intermédiaire entre l’homme et le monde, en ce point intermédiaire entre l’esprit et la réalité, en ce point intermédiaire où s’établit la liaison entre l’armée de secours et littéralement le secours propre de la place, en ce point s’opère pour Descartes la connaissance de la vérité. Et il ne faut point douter que pour lui elle ne s’opère absolument et que cette connaissance de la vérité ne soit absolue. Personne n’a plus rien à dire. L’esprit vient d’un côté. L’objet de l’esprit vient de l’autre, et au devant. Ni l’esprit n’a plus rien a dire, ni l’objet n’a plus rien à dire.

On me permettra d’ouvrir ici une note dans cette Note. Il est impossible de ne pas considérer, avec un saisissement, combien cette théorie cartésienne est fidèlement apparentée, combien elle est parallèle à la théorie chrétienne et catholique de la grâce, à ce que nous avons le droit de nommer le mécanisme de la grâce. Comme il faut que l’expérience vienne au devant de la raison, ainsi et par un mouvement parfaitement