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jourd’hui. C’est une question de nature et d’essence. De même que dans la philosophie bergsonienne le futur et à la limite le présent ne diffère pas seulement du passé chronologiquement mais essentiellement et métaphysiquement, de même une idée toute faite est toute faite en elle-même et essentiellement. Elle est fabriquée toute faite comme un arbre de théâtre est fabriqué tout fait et arbre de théâtre. Elle vient au monde idée toute faite comme un arbre de théâtre vient au monde tout fait et arbre de théâtre. Elle est en carton-pâte, elle est en papier peint. Elle est totalement étrangère à la germination, à la fécondité, à la conception. Il y a des hommes qui réinventent, des êtres qui revivent, des pensées qui reconçoivent à nouveau les plus vieilles idées. Et il y a des hommes qui font des idées toutes faites. Il y a des idées qui sont toutes faites pendant qu’on les fait, avant qu’on les fasse comme les pardessus tout faits sont tout faits pendant qu’on les fait, comme les arbres de théâtre sont tout faits et sont arbres de théâtre pendant qu’on les fait. C’est une question de nature ou de factice. C’est une question de grâce ou de disgrâce. Les arbres de théâtre ne sont pas des arbres de nature diminués, usés, vieillis et qui ne sont plus bons qu’à ça. Ce sont des arbres d’un autre ordre. Ce sont d’autres arbres. Ce ne sont pas des arbres de nature aplatis sur un portant. Ce sont des arbres venus au monde plats. Ainsi une idée toute faite vient au monde plate et toute faite.

— Est-ce tout, me dit-on. Il s’en faut que ce soit