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Alors les romantiques ont feint qu’il y avait une contrariété de nature entre le clair et le profond pour que, les classiques étant évidemment clairs, il fût entendu automatiquement qu’ils n’étaient pas profonds. Comme si les vers de Racine les plus pleins de lumière n’étaient pas aussi les plus mystérieux.

Le profond et le mystérieux n’est pas forcément sombre et tourmenté. Rien n’est pur comme le pli du manteau de la prière antique.

De toutes les idées qui ont jamais été mises en forme de maximes je crois que la plus fausse est sans aucun doute celle-ci, (et elle a ceci de commun avec une autre qui viendra que elle aussi elle n’est pas de Barbey d’Aurevilly), que pour la passion tout le monde est bon. Si je voulais parler un langage chrétien je dirais que même pour le péché tout le monde n’est pas bon. Il y a un choix et une élection du péché même. Les natures qui sont bons pour le péché sont de la même nature, du même règne que ceux qui sont bons pour la grâce. Et la grâce et le péché sont deux opérations du même royaume. Beaucoup sont appelés, peu sont élus. Et en dehors il y a une immense tourbe qui ensemble n’est bon ni pour le péché ni pour la grâce. Car le péché ensemble et la grâce sont les deux opérations du salut, hermétiquement articulées l’une sur l’autre. Et en dehors il y a l’immense tourbe de ceux qui ne sont