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nature de la grâce. Homère, qui est la plus grande clarté, n’est-il pas aussi la plus grande profondeur. Le vieux Priam aux pieds d’Achille, qui est si l’on me permet de parler ainsi le maximum du pathétique et du classique et pour ainsi dire le maximum de l’antique, étant le maximum de la supplication antique, ne donne-t-il pas ensemble le maximum de clarté dans le maximum de profondeur.

Ce sont les romantiques qui ont inventé qu’il fallait être trouble pour être profond et qu’il y avait une ligature, un habillement tout fait du trouble ou de l’obscur à la profondeur. Et leurs troubles appris, leurs troubles artificiels, (intellectuels), ne leur ont jamais permis d’obtenir que des profondeurs superficielles. Quand Hugo suivait sa nature, son génie classique il était profond et clair. Quand il s’esquintait pour être et à être romantique il se donnait un mal de chien pour obtenir un mystérieux en papier d’emballage.

(Je ne veux point, comme ils disent, passionner le débat, et faire des personnalités, et blesser personne. Mais enfin nous avons, aux cahiers même, un critique qui est en même temps romancier. Je ne vois pas, quand il est romancier, qu’il se dévête de sa clarté, et, quand il est critique, qu’il se dévête de sa profondeur.)

Comme les romantiques ne pouvaient nier que les classiques fussent clairs, ils ont entrepris de se rattraper sur la profondeur. Ils ont voulu se faire les spécialistes de la profondeur. Mais ceux qui sont profonds ne se sont jamais dit qu’ils allaient être profonds.

Et ils ne l’ont jamais dit aux autres.