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d’avouer que je vois des critiques fort troubles et des pathétiques fort clairs, comme je vois des critiques profonds et des pathétiques fort superficiels.

Au fond les romanciers voudraient n’avoir qu’à être des romanciers pour être profonds. Non mes enfants, il faut, en outre, être des romanciers profonds. Et les critiques voudraient n’avoir qu’à être des critiques pour être clairs. Non messieurs. Il faut, en outre, être des critiques clairs.

Au fond c’est partout le même débat. C’est le secret de la situation faite à l’histoire et à la sociologie et surtout aux historiens et aux sociologues dans les temps modernes. Les historiens veulent n’avoir qu’à être des historiens pour connaître le passé. Les sociologues veulent n’avoir qu’à être des sociologues pour connaître les sociétés de l’homme. Un instant, messeigneurs. Il y faut aussi la connaissance du passé, et des sociétés, et de l’homme.

Les poètes sont infiniment plus raisonnables, (on s’y attendait), qui admettent très bien qu’il ne suffit pas de faire des vers pour être des poètes. Et s’ils ne l’admettaient pas, tout le monde l’admettrait bien pour eux.

C’est comme si il suffisait de s’habiller en soldat pour être brave. Ainsi il ne suffit pas de s’habiller en romancier et en esthéticien pour être profond. Et il ne suffit pas de s’habiller en critique pour être clair.

Il faut donc renoncer à attacher des qualités et des hiérarchies comme des tuniques toutes faites à certains ordres, mais poursuivre parallèlement la recherche de ces qualités et de ces hiérarchies, comme elles sont, sans idée toute faite, comme elles sont données, à l’in-