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C L I horaire), un certain chemin de pèlerinage (sacré? pro- fane?) que tous pèlerins suivent toujours, et dans le même sens ; et que l'on ne refait pas ; et où l'on ne retourne pas. De la création temporelle à la consom- mation des temps il y a un certain commandement irré- cusable de l'irréversible, une usure, un frottement irrévocable, un vieillissement, un mouvement que le mobile (c'est nous, c'est tout) suit toujours dans le même sens, fait, exécute, effectue, accomplit toujours dans le sens de la même flèche vers la même destina- tion, sans (faculté de) recommencement, sans retour, sans reprise, sinon sans regrets et sans remords, vers l'accomplissement, vers la consommation du temps même et la destination du jugement. Il y a le vieillis- sement. Comment ne le saurais-je point, je n'ai qu'à me regarder, quand moi-même je fus, quand mon corps fut la matière et l'objet d'un tel vieillissement. Je n'ai qu'à me considérer, quelle je fus et quelle devenue; et si vous saviez combien le monde a vieilli depuis le temps que j'étais jeune ; comme c'est loin (on voit qu'elle parlait tout à fait comme une vieille femme, du peuple naturellement, non du monde) ; quelles fortunes nous avons courues, mes sœurs et moi, quelles car- rières nous avons parcourues, si différentes. Nul vieil- lissement, toutefois, n'est aussi caractérisé, aussi ramassé que le vieillissement du nénuphar. C'est une plante unique, un végétal singulier. D'ailleurs d'une beauté admirable. Cette fortune qu'il a, d'être un modèle, de constituer un cas, de faire un maximum,

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