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G L I toire qui pour moi font scandale, parce que je sais la règle, et qu'elle est dure, et la nature, et qu'elle est dure, qui sont extraordinaires et pour moi invraisem- blables, qui font tache, parce que je sais, qui maculent, que je voudrais bien que l'on m'explique. Ce sont elles au contraire qui posent un problème. Croyez- moi, ces recouvrements, ces prétendus recouvrements de la justice et de l'histoire ne sont que de fausses, de fortuites coïncidences. Quand on dit que la justice n'est pas de ce monde, on veut dire, on entend, on dit qu'il y a entre l'une et l'autre une contrariété orga- nique, mécanique, technique. On veut dire qu'elles se font, et qu'elles sont forcées de se faire, une guerre inexpiable. Quand l'histoire s'oublie, alors elle peut paraître juste. Quand elle ne s'oublie pas, l'iniquité passe.

Or ceci, mon ami, d'avoir à faire ce choix, entre l'avi- lissement et la mort, entre de multiples, d'innom- brables, de perpétuels avilissements et ce suprême avi- lissement dernier qu'est la mort, entre ce risque cons- tant d'avilissement, sous certitude d'être en effet avili, et la mort, non pas seulement d'avoir à faire ce choix, entre ces deux misères, entre cette misère perpétuelle, ce risque de misère et cette misère limite, ce risque de misère limite, non pas seulement d'avoir à faire ce mi- sérable choix, mais de pouvoir le faire, d'être contraint de le faire, d'être appelé, d'être conduit à le faire, d'être (mis) en situation de le faire, cela, mon enfant, c'est la plus haute fortune de l'homme, hors le salut.

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