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C L I ce petit peuple d'auteurs qui forcent ainsi, qui entraînent, qui induisent à la collaboration, ultérieure, à la coopération, temporellement indéfinie, ce grand peuple des lecteurs, au moins ce peuple plus grand, si grand jadis, dont aujourd'hui le nombre diminue tous les jours). C'est ici un jeu cruel du sort, comme on disait, nous dirons un des jeux les plus cruels de la destination temporelle, et qui lui ressemble tout à fait, qui est tout à fait dans son genre et de sa sorte, que nul auteur n'ait temporellement jamais le droit de fermer sa porte, que nulle œuvre ne soit éternelle- ment temporellement jamais close dans aucun ate- lier; c'est un des mystères les plus inquiétants peut- être de la destination temporelle, un des plus pleins, des plus bourrés d'inquiétude, que nulle œuvre, si achevée soit-elle, et qu'elle nous paraisse, et peut-être qu'elle ait paru à l'auteur son père, nulle œuvre pourtant n'est temporellement si achevée, n'a temporellement si complètement reçu son chef qu'elle ne doive encore en un autre sens (et peut-être au fond en le même sens, car tous les hommes sont hommes, et cet auteur est homme, et nous aussi, petits, nous sommes hommes, et quoi que nous en ayons nous con- tinuons l'auteur même en un sens) être perpétuelle- ment achevée comme inachevée, au titre d'inachevée, qu'elle n'ait à recevoir et qu'elle ne reçoive et qu'elle ne doive recevoir perpétuellement un chef, un couron- nement lui-même perpétuellement inachevé. C'est le sort commun de tout le temporel, de l'œuvre même,

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