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ŒUVRES POSTHUMES

Tout le monde sait qu'on ment toujours, mais qu'on ment moins quand on ne témoigne pas que quand on témoigne.

De toutes les idées que l'on peut avoir sur une afïaire, l'idée la plus saugrenue, (aussi on Fa toujours), est bien celle d'aller consulter les témoins.

Il vaudrait encore mieux aller consulter les livres. (Ce serait moins dangereux). Parce que les livres au moins on voit qu'ils sont en papier. On voit, on sait que ce (ne) sont (que) des livres. Mais ces hommes, qui sont des livres, on ne s'en méfie pas. On croit qu'ils sont des hommes.

Les livres qu'on lit, on sait que c'est des livres. Mais ces livres qui parlent, on croit que c'est des hommes.

Observez bien ce qui se passe. Vous allez trouver ce vieillard. Instantanément il n'est plus qu'historien.

Instantanément il vous récite un morceau d'histoire de France.

Instantanément il est livre, il vous récite un mor- ceau de livre.

Mais alors on les ferait aussi bien que lui, les livres.

Et non seulement cela, mais il est sévère, il est guindé, il ne vous récite pas même une histoire (de France) à lui, il n'est pas même un livre lui : il est le livre commun, il vous récite la commune histoire de France, celle sur laquelle tout le monde est d'accord. (C'est-à-dire naturellement celle qui n'a plus aucune espèce d'importance, aucune espèce de valeur). Non pas seulement parce que le vieillard craint de se faire

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