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C L I

C'est le dernier vers, dit-elle, de ce petit morceau liminaire qui est en tête de V Année terrible après le Prologue. Mais pour un vieillard toute année qu'il a connue est une année importante et presque une année terrible. Et sans abuser de ma force, dit-elle, comment ne pas noter, pour ce que nous disions, le vers précédent :

Morne angoisse! un fléau descend, un autre monte. N'importe. Poursuivons. Lhistoire en a besoin. Ce siècle est à la barre et je suis son témoin.

Vous abordiez un homme. Vous n'avez plus qu'un témoin. Or Dieu sait, dit-elle, que l'on ne ment jamais autant qu'en témoignage, (parce que ça devient histo- rique), et que Ton ment d'autant plus que le témoi- gnage est plus solennel.

Pour ne pas mentir en temps ordinaire, il faut être véridique une fois. Pour ne pas mentir en témoignage il faut être véridique deux fois.

Vous abordez cet homme, il se fait raide, il se fait sérieux, il finit ses phrases. Il met les verbes au parfait défini de l'indicatif. Il assure son front sur sa tête et ses paupières sur ses yeux. Il assure ses pommettes verticalement sur ses joues. Il dispose, il compose le pli de sa lèvre. Vous veniez vers un homme. Vous ne trouvez pas même un auteur. Vous trouvez un témoin. De tout ce qui ment c'est ce qui ment le plus, parce que c'est historique.

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