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ŒUVRES POSTHUMES

autre génération, de la génération précédente, qui ne serait, dit-elle, comme le cavalier de Gérénie. Ou plu- tôt comme Agamemnon demandait imaginairement que fût (resté) le cavalier de Gérénie, comme il souhaitait irréellement, (c'est le cas de le dire), que fût resté le cavalier de Gérénie.

On a fait un proverbe, dit-elle, qui est bien le plus sot de tous. (Et Dieu sait si communément un pro- verbe est sot). On dit: Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait. On dit ça pour faire croire que la vieillesse sait. C'est une politesse que l'on fait aux vieillards. Mais la vieillesse ne sait pas, parce qu'elle est historienne. Et c'est la jeunesse qui sait aussi, parce qu'elle peut.

Et la vieillesse ne sait pas, puisqu'elle ne peut pas.

Etre d'un temps et en même temps d'un autre temps. Etre d'un lieu et en même temps et en même lieu d'un autre lieu. Être d'une génération et en même temps d'une autre génération : précisément ce serait être dieu, dit-elle, être fait dieu. Or justement nous avons peut- être assez vu, dit-elle, quelle déchéance ce serait, dans le fond de la pensée antique même, que de devenir dieux.

Les historiens se font dieux, dit-elle, ou ils y pré- tendent. Mettons enfin qu'ils font les dieux. Quelle misère. Corneille, Rembrandt, Beethoven ne faisaient pas les dieux. C'étaient des hommes. Hugo, Napoléon étaient des hommes. (Les saints sont des hommes, dit-elle. Jésus-Christ n'était pas un homme devenu Dieu. C'était Dieu et le Fils de Dieu fait homme. Je pense que c'est le contraire, dit-elle).

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