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G L 1 ces personne? devant qui on peut tout dire. Je n'ai jamais compromis personne, hélas. On sait assez que je suis une innocente. On sait assez que je peux fré- quenter tout le monde. Impunément. Pour eux. Impu- nément pour moi. On sait assez que je ne suis pas méchante. C'est le cas de dire, je n'ai jamais mangé personne. Ce sont les autres qui dévorent et qui ont dévoré.

On sait assez qu'on peut tout dire devant moi, dit- elle. Vous savez certainement ce que les entants nomment un rapporteur. Monsieur, c'est vilain d'être rapporteur. Eh bien moi, je suis un rapporteur. Ou une rapporteuse. On sait assez que je rapporte. Mais je ne rapporte pas le millionième de ce qui se passe; et le mil- lionième que je rapporte je n'y comprends rien.

En somme, dit-elle, je suis une espèce d'exposition universelle; où il y a tout : où il n'y a rien. Seule- ment les expositions universelles avaient deux avan- tages, dit-elle: le premier c'est qu'il n'y en a plus; le deuxième c'est qu'on les inaugurait au mois de mai et qu'on les bouclait au mois de novembre. Moi il y a longtemps qu'on m'a inaugurée, dit-elle, et on ne me boucle jamais. Je suis une espèce d'exposition univer- selle qui dure tout le temps. Ou si vous préférez les anciennes expositions universelles étaient comme des coupes transversales ; elles étaient des géographies, des histoires transversales. Et moi, je suis une longue expo- sition universelle longitudinale.

Mon innocence même, dit-elle, {mon innocence enfin

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