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CLIO Courbet. Pas l'amiral, (qui fut un admirable homme de guerre), le peintre. Enfin oui celui d'Ornans, l'enterre- ment, la Commune, la colonne. Vous tenez ce mot de Vuillaume, qui vous le dit hier à déjeuner. Il ne faut pas le laisser refroidir à demain. Vuillaume avait bien raison d'y voir un très grand mot. C'est un mot qui porte sur tout.

Courbet donc était déjà célèbre, un jeune homme vint le voir, un jeune homme qui faisait aussi de la peinture. Il lui montra ce qu'il avait fait. — C'est bien, disait Courbet, c'est bien.

Les maîtres trouvent toujours que c'est hien, ce que l'on fait. (Il n'y a qu'un maître, en peinture, qui dise la vérité, et ce n'est pas Courbet). Le maître regarde. Mais ce qu'il se demande, ce n'est pas si ce qu'on lui apporte est bon, si ce morceau qu'on lui montre c'est bon. Le maître regarde en dedans et se demande anxieusement si ce qu'il a en train, lui le maître, si ce morceau qu'il veut faire aujourd'hui, lui le maître, sera bon. Et plus le maître est vieux et plus le maître est grand, plus il a derrière lui de chefs d'oeuvres accu- mulés, plus il se demande avec anxiété si ce n'est pas aujourd'hui qu'il fera faillite. Ce matin même. Tout à l'heure.

La cérémonie faite, l'autre rempliait ses papiers. Le vieux Courbet lui disait par politesse, (quand je dis vieux, dit-elle, il n'avait toujours pas plus de cinquante- huit ans, puisque c'est à cinquante-huit ans que l'on dit qu'il est mort), le vieux lui demandait, comme on

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