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C L I enfin mettons qu'il est un homme. Mais ni dans l'un ni dans l'autre cas, ni pour les uns ni pour les autres il n'est jamais un être de mythologie. Pour les Grecs ils semble bien, dès Homère, et à plus forte raison dès les tra- giques, (et quand je parle des tragiques je ne parle que d'Eschyle et de Sophocle, je ne parle naturelle- ment pas de ce méprisable Euripide), il semble bien que l'Olympe, que les dieux sont déjà des êtres de mythologie. Non pas qu'ils n'y croient. Mais ils y croient d'une foi qui n'est pour ainsi dire que mytho- logique elle-même. Ils y croient surtout d'une foi de terreur et pour les coups qu'ils en reçoivent et pour ceux qu'ils en attendent incessamment.

Allons plus au fond, lisez tranquillement Homère. (Et peut-être encore plus les tragiques). Il est impos- sible de ne pas être très frappé d'un certain mépris très particulier qu'il y y a pour les dieux. Ce mépris est mêlé d'envie, c'est entendu ; et il est peut-être même à base d'envie. (Et encore). Oui l'homme envie aux dieux leur éternelle jeunesse, leur éternelle beauté; leur force illimitée, leur instantanée vitesse ; leur éternelle bataille, leur éternel festin, leur éternel amour. Mais il devient très vite évident que cette envie même est comme noyée dans un certain mépris propre. Mépris peut-être inconscient, mépris d'autant plus redoutable, et d'autant plus définitif. Et d'autant plus significatif. Et d'autant plus lui-même sans appel. Mépris de quoi? Mais précisément de ceci : que les dieux sont éternel- lement jeunes et éternellement beaux ; presque univer-

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