ŒUVRES POSTHUMES Dieu n'oublie pas l'homme. Nos anciens dieux ne savaient pas mordre. Malgré tout ce qu'on en a dit. Mais vous avez touché le Dieu qui mord, vous avez touché le Dieu qui sait mordre. Notre Aphrodite n'était qu'une enfant, en comparaison de celle-ci. Nos anciens dieux ne dévoraient pas. Mais vous avez touché le Dieu qui ne lâche pas. Vous avez touché le Dieu qui dévore.
Je ne parle pas de votre foi, dit-elle, ni de votre espérance. Mais qui fut jamais fondu comme de votre grâce, dévoré comme de votre charité.
Vous m'effacerez donc, dit-elle, de vos prochaines, de vos suivantes journées. Vous me laisserez aller. Nunc dimittis. Ou plutôt je me laisserai aller moi- même. Je m'effacerai moi-même. Il suffit qu'ils appa- raissent, il suffit que je sois mise en leur présence pour que je m'évanouisse comme un fantôme léger. Car c'est eux qui sont charnels, et non pas moi. Ce sont les spirituels qui sont charnels, et non pas moi. Et Verbum caro factum est. Moi je ne suis qu'une ombre chez Hadès, une ombre au bord du tombeau parmi les innombrables ombres. Je suis l'ombre de Clio qui se presse au bord de la tombe. Je me penche au bord de la fosse. Mais la Victime ne fut point égorgée pour moi. Et ni je n'ai mangé le pain charnel, ni je n'ai bu le Sang, qui est le vin charnel. Et hahitavit in nohis. Le verbe est devenu charnel, étant devenu chair. Mais moi je ne suis pas même devenue charnelle. Ce sont les spirituels qui ont habité dans les charnels. Et moi je n'ai pas habité même dans les charnels.
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