Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

OEUVRES POSTHUMES tituteur. C'était déjà la grande querelle des Apolliniens et des Dionysiens. Vous en avez entendu parler. Tous deux Dieux, tous deux fils du même père; mais non point hélas de la même mère. Tous deux nos frères, du côté de notre père ; et le même sang divin coulait dans leurs doubles veines; tous deux fils de notre père, mais non point hélas malheureusement de notre pauvre mère. Le blond Apollon était naturellement le fils de la blonde Latone aux bras blancs, fille de Kronos. Le rouge Bacchos était fils de Sémélèla foudroyée. Ce fut une grande querelle, vous le savez, un débat qui parta- gea tout le monde antique. Un (bien) plus grand débat, vous pouvez m'en croire, croyez-en l'histoire, que le débat des dreyfusiens et de V Action française. Un Dieu vint, qui nous mit rapidement et pour éternelle- ment d'accord. Nous autres, les Musettes, nous étions naturellement apolliniennes. Préférentiellement. Les grandes soulographies dionysiennes ne nous épouvan- taient pas seulement. Elles nous révoltaient. Je vou- drais que vous les ayez pu voir, les petites sœurs. Vous ne pouvez pas vous représenter cela, aujourd'hui. Elles étaient jolies comme des amours. Aujoud'hui vous ne pouvez plus les voir ainsi, et vous ne pourrez plus éternellement jamais. Trop de littératures ont passé sur ces mémoires. Trop de littératures les ont rééinbar- bouillées. Trop de littératures ont passé sur ces enfants. Et je ne suis plus là, elles ne sont plus petites, pour les moucher le matin, pour moucher leur petit nez apolli- nien. Nous autres neuf nous étions naturellement apol-

16

�� �