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Vous me citerez peut-être comme témoin, puisqu'il paraît que Ton ne veut, voir que des procès là-dedans. C'est peut-être moi qui parlerai le plus longtemps. Mais ce n'est pas moi qui parlerai dans les plus grandes pro- fondeurs et de qui jaillira la plus grave confidence. Une autre présidera, sans même avoir l'air de présider. Car il suffit qu'elle paraisse pour que je m'évanouisse comme un vain fantôme. Une autre invocation, une invocation à une autre présidera sur vos autres jour- nées. Une autre patronne sera votre éponyme. Une expé- rience de vingt siècles m'a montré qu'une fois que la dent de chrétienté a mordu dans un cœur, elle ne lâche jamais le morceau. Parlerai-je jamais plus à votre âme païenne. C'est une dent comme un croc de hallebarde de qui la morsure est irréversible. La dent peut entrer, elle ne peut pas sortir. La morsure est toute acérée du dehors vers le dedans. Toute incurvée du dehors vers le dedans, mais du dedans vers le dehors elle se retrous- serait, les plaies, les lèvres de la morsure se retrous- seraient. C'est une flèche barbelée, que l'on ne peut retirer, et saint Sébastien est le patron de tout le monde, excepté de d'Annunzio. C'est une morsure qui ne se remonte pas. Vous êtes souvent, vous êtes presque tou- jours infidèles à Dieu. Mais Dieu ne vous est pas infi- dèle. Et la dent et l'infusion de la grâce ne vous est pas infidèle. Ceux que Dieu veut avoir, il les a. Ceux que la grâce veut avoir, elle les a. Servus fugitivus Dei. A quo fugitivum suum non repetit Deus? L'homme peut oublier Dieu. Dieu n'oublie pas l'homme. La grâce de

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