Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

CE II V R E S P S T H i: M E S qui est indéfiniment plus nombreux. C'est le juge qui est successivement un et les appelants qui sont indéfi- niment plus nombreux. Ce n'est pas l'appelant qui est toujours le même et le juge qui est indéfiniment accru. C'est le juge qui est indéfiniment changé et l'appelant qui est indéfiniment accru. Ce n'est point un océan croissant de regard qui éclaire un point de la côte, toujours le même, et qui l'éclairé toujours mieux, c'est un point de regard indéfiniment mobile, toujours à la même vitesse et dans le même sens, qui éclaire comme il peut une côte indéfiniment accrue. Cette génération présente, cette génération appelante, qui ne voit qu'elle, et qui ne veut faire voir qu'elle, à peine morte, aussitôt tombée, effacée seulement elle entre en concurrence, comme génération appelante, avec toutes les généra- tions qui ont appelé avant elle, et cela auprès d'une génération juge successive, auprès d'une seule généra- tion juge à la fois. Car elle n'en aura jamais qu'une seule à la fois. Et cette seule ne sera jamais la même. Et non seulement cela mais bientôt, mais demain. Elle entre en concurrence, le jour même de sa mort, avec toutes les générations effacées, avec toutes les généra- tions tombées, avec toutes les générations appelantes : avec toutes les générations mortes. Mais non seulement cela : bientôt, demain elle entre en concurrence, comme génération appelante, avec de nouvelles géné- rations appelantes encore, avec d'incessamment nou- velles générations appelantes, c'est à savoir ces géné- rations mêmes, ces générations à venir que l'on croyait

206

�� �