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C L I orgueil, c'est tout l'homme, dit-elle. Tant de faiblesse dans tant de présomption. Tant d'arriéré dans tant d'anticipation. Un sort si misérable, et si évidemment misérable, qui lui fait chercher des appuis qui ne sont pas plus solides que lui, car ils sont d'autres lui-mêmes ; une si évidente et si scandaleuse débilité ; une telle maladresse dans l'orgueil, et si désarmante; une telle gaucherie en tout : voilà ce qui fait, dit-elle, qu'on n'a pas le courage de lui en vouloir.

C'est ce qui les sauverait à la face de Dieu. Pauvres êtres. Ils en sont réduits à faire appel au jugement de la postérité, c'est-à-dire à d'autres eux-mêmes, c'est-à- dire, je pense, à leurs suivants de semaine.

Et alors, ces malheureux, ils appellent ça un peu autrement. Ils font appel à l'histoire, au jugement de l'histoire, au tribunal de l'histoire. Pauvres êtres. Ils en sont réduits à faire appel à moi. Voyez- vous ces malheureux qui redoutant le Juge se tournent vers monsieur le greffier et lui demandent un petit acquitte- ment. — Monsieur le greffier, mettez donc seulement sur votre registre que c'est moi qui avais raison. — Ou encore : monsieur le greffier, inscrivez : que le droit, l'honneur, la justice étaient pour nous. — Ou plus simplement : monsieur le greffier, mettez donc que c'est moi Victor Hugo. Toujours cette religion du papier timbré, de la cote, de la feuille annotée, cotée, numé- rotée, reliée, signée, paraphée. Elle-même enregistrée. Toujours cette superstition, ce culte de l'inscription. Cette idée que l'inscription fait l'acte, qu'elle est l'acte.

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