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ŒUVRES POSTHUMES heureux temps, je le dis, dit-elle, où la publication clandestine, où la livraison que les apprentis se pas- saient en cachette dans les ateliers c'était V Expiation et les morts du 4 décembre, c'était Ultima verba et les Soldats de l'an II. Oui, mes enfants, dit-elle soudain mélancolique, pour eux c'était ça qui venait de paraître, et c'était ça qu'il y avait cette semaine. C'était leur feuilleton dans ce temps là et leurs faits divers ; et leurs crimes, c'était toujours le même, leur crime d'hier, leur crime éternel : c'était toujours le deux décembre. Nul ne savait, Péguy, vous non plus, que les illustrations étaient de Théophile Schuler. Nul ne l'avait lu sur le titre. Mais il n'y avait pas un trait de l'une de ces illustrations qui ne fût inscrit pour éternel- lement dans la mémoire de votre regard. Et le bon bourgeois dans sa maison. Et le boulevard Mont- martre, le 4 décembre 1 851. Et ce beau jeune homme joufflu, les joues comme des pommes, qui marche dans les chardons en écartant les mains : le Progrès calme et fort. Et en face l'expiation, l'horrible vision s'éteignit. Et le Chasseur Noir. Et le forçat en sabots, voici la chaîne que je porte. Et le lion de Wagram. Et les pros- crits, Oiseaux dites-leur nos misères ! Mais vous ne voudriez tout de même pas, dit-elle, que je vous fasse une table des illustrations. Je la ferais. Heureux temps où ils se cotisaient dans les ateliers, et ce qu'ils ache- taient c'était la dernière, et la dernière c'était le Man- teau impérial ou Pauline Roland. De tels exemplaires couraient dans tout le peuple. Verra-t-on jamais un tel

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