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C’est là une de ces outrances de décision où se reconnaît la patte du génie. Il ne fait une infidélité (apparente) à la vieille chanson que pour la renforcer et la précipiter dans son propre sens. 11 ne lui désobéit que pour la mettre elle-même sous son propre commandement. Comme un excellent peintre de portraits qu’il est, il la rend plus semblable à elle-même, plus ressemblante (à elle-même) qu’elle n’était, (parlons platonicien) il la rend plus elle-même qu’elle n’était, il l’approfondit dans sa rime dominante et dans sa propre idée. Il ne s’est soustrait à son commandement, j’entends à son commandement littéral, au commandement littéral du texte, que pour la remettre elle-même sous son propre commandement. Il l’a faite plus elle-même qu’elle n’était. Il l’a comme redressée de son propre événement. D’une chanson en aine il fait une chanson en erre : Mais c’est qu’elle était déjà une chanson en erre. Hugo, bon entendeur, l’avait entendue pour nous. Hugo l’avait entendue comme elle était et non pas comme elle paraissait être. Hugo l’avait entendue mieux qu’elle ne s’était entendue elle-même.

Voilà ce que c’est pour une chanson, — et même pour une chanson populaire, — que de ne pas tomber, c’est le cas de le dire, dans l’oreille d’un sourd. La rime en erre ne commandait guère dans la vieille chanson, (j’entends ne commandait pas officiellement et formellement et littéralement, car nous avons vu que réellement elle commandait tout le reste et tout), mais officiellement et formellement et littéralement elle