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ŒUVRES POSTHUMES

Taine que l’on a pris la Bastille. Nul n’était commandé pour prendre la Bastille. Nul n’était requis, nul n’était tenu de prendre la Bastille. Enfin j’y étais, dit l’histoire. On sait très bien comment ça s’est fait, la prise de la Bastille. C’était le 14 juillet, naturellement. Il faisait beau, il faisait chaud (dans ce temps-là). Le vieux Paris se chauffait au soleil. Le bon peuple ne savait pas bien quoi faire. Ce qu’il savait, c’est qu’il avait envie de faire quelque chose. Tout le monde était à Longchamp, à cause de la revue, le gouvernement, la police, les troupes. Alors les ébénistes du faubourg Antoine, pour se reposer un jour de faire les plus beaux meubles du monde, ils ont pris la Bastille.

La Bastille ne leur avait jamais rien fait. La prise de la Bastille, dit l’histoire, ce fut proprement une fête, ce fut la première célébration, la première commémoration et pour ainsi dire déjà le premier anniversaire de la prise de la Bastille. Ou enfin le zéroième anniversaire. On s’est trompé, dit l’histoire. On a vu dans un sens, il fallait voir dans l’autre. On a vu. Ce n’est pas la Fête de la Fédération qui fut la première commémoration, le premier anniversaire de la prise de la Bastille. C’est la prise de la Bastille qui fut la première Fête de la Fédération, une Fédération avant la lettre.

Les abus de l’ancien régime, dit-elle en riant. On n’a jamais mis un régime par terre parce qu’il commettait des abus. On met un régime par terre parce qu’il se détend.

Les abus de l’ancien régime, dit-elle, nous en avons

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