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ŒUVRES POSTHUMES

C'est en effet le bouquet qu'elle voulait attacher, malgré des malentendus de syntaxe qui laisseraient croire qu'elle veut attacher le cœur. Mais il ne faut pas juger la pièce sur ces incohérences de syntaxe. Il est vrai qu'on a rarement vu une phrase faire autant de fautes de français dans les possessifs, adjectifs et pro- noms. En une seule phrase. A qui se rapporte le le. A qui se rapporte le sa. C'est une gageure. Ce cœur blessé ne guérira jamais ! — Attachons-le d'un crêpe noir, puisque cest là sa triste fantaisie. — Le, c'est le bouquet, ce n'est pas le cœur. Sa, ce n'est plus ni le bouquet ni le cœur, c'est sa maîtresse. Ne nous indi- gnons point de cet accident de cette sorte de bilboquet de syntaxe. Ça arrive très bien aux hommes d'esprit. Ça arrive même de préférence aux hommes d'esprit. Et surtout au style d'esprit. Et enfin c'est du théâtre. Ce n'est pas tout cet appareil qui est saisissant, et ce mys- tère, et ces apprêts, et ce mélange d'apprêts. Justement parce qu'il veut être lugubre, cet appareil nous laisse parfaitement indifférents. C'est déjà le romantisme, (et nous le connaissons le romantisme), et l'appareil romantique, et le drame en prose et même en vers de Hugo. Ce qui va être saisissant, puisqu'aussi bien nous ouvrons cette pièce, c'est au contraire quand il n'y aura plus rien, c'est tout le long du drame partout où il n'y aura pas d'appareil. Ces personnages (et entre tous notre Chérubin et entre notre Chérubin même pour ainsi dire ce nouveau personnage, ce personnage

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