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CE U V R E S POSTHUMES porelle autant, n'est littéralement historique autant que cette pièce de Beaumarchais. Au fond, dit-elle, je me demande si ce n'est pas plus fort que la belle Haumière, je veux dire d'un effet plus fort. Car dans la belle Hau- mière c'est le sort même de l'homme et de la femme, qui est grand. Mais dans Beaumarchais c'en est le vieil- lissement, qui est vieux. C'en est l'âge, qui est vieux. Nulle part ma funeste puissance, dit-elle, n'éclate au- tant que dans cette pièce. C'est mon propre royaume. Et mon gouvernement même. Je necrois pas, dit-elle, qu'on ait jamais fait une pièce aussi réaliste, rien d'aussi réa- liste, à condition seulement de laisser à ce mot de réaliste un sens un peu honorable etlui-même réel. Ma puissance éclate partout dans cette pièce, non pas qu'elle y soit mise et épinglée dans un mot ou dans un autre, mais justement au contraire parce qu'on n'en parle pas, parce qu'où n'y fait pas attention, parce qu'elle va de soi, parce qu'elle y est dans la texture même, dans le tissu, dans le climat. Le voilà, mon ami, le témoignage, le monu- ment, ce que c'est que l'homme et la femme de quarante ans. Ils n'ont pas fait autant d'affaires que vous, ceux-là, mon ami, pour avoir quarante ans. Ils les ont tout de même. Et ils les ont bien. Je ne crois pas que jamais on ait autant fait sentir, aussi profondément, sans le faire exprès (mais c'est la meilleure manière, c'est la seule), ce que c'est que le mariage, et le ménage, et l'homme et la femme et les enfants, et ce que c'est que le temps qui a passé, et la vie, non pas la Vie des imbéciles, avec un grand V, mais la vie qui use tout avec un petit v.

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