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Mais je n’aurai jamais, dit l’histoire, la voix même de M. Lanson. Je préfère donc vous dire tout de suite ce que je retiens aujourd’hui dans ce drame. Ce que j’en retiens c’est précisément que ça fait vingt ans après. Mais non plus seulement vingt ans de la vie d’un peuple ou de la vie du monde, vingt ans de l’événement d’un peuple ou de l’événement du monde, vingt ans d’histoire générale et publique, ce qui regarderait encore le professeur d’histoire, mais plus profondément vingt ans d’histoire absolument parlant, vingt ans d’événement absolument parlant, vingt ans enfin eux- mêmes absolument parlant, vingt ans du vieillissement même, vingt ans de l’âge de l’homme, même.

Plus on a fait de ces personnages le type de la jeunesse même, et plus ils sont réussis comme types delà jeunesse même, plus ils en sont les types classiques, traditionnels, réussis, heureux et presque sacramentels, plus il est poignant de les retrouver comme tout le monde, je veux dire vieillis, enfin hommes et femmes, comme tout le monde, à quarante ans.

Rien n’est aussi poignant, dit l’histoire, que le sort de ces personnages. Plus il est entendu qu’ils sont jeunes, plus il est poignant qu’il y ait une pièce de Beaumarchais où ils ne sont plus jeunes. En ce sens, dit l’histoire, nulle pièce au monde, rien au monde peut-être dans l’œuvre littéraire, et peut-être dans toute l’œuvre, et peut-être dans tout, ne m’appartient autant, ne m’exprime autant, n’est autant de moi, n’est tem-