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L E M Y S T È R 1- :

Or ils y tiennent à leur corps. On dirait qu’ils croient

qu’ils n’ont que ça. Ils savent pourtant bien qu’ils ont une âme. La vie est

l’union de l’âme et du corps, La mort est leur séparation. Mais leur corps leur paraîl Solide et bon vivant. Ils ont l’impression que la lèpre anéantira tout leur

corps et qu’elle les tiendra jusqu’au bout (ils ne con- sidèrent point qu’au bout de ce bout Commence le véritable commencement) Et alors ils aimeraient mieux avoir autre chose que hi

lèpre. Je pense qu’ils aimeraient mieux attraper Lue maladie qui leur plairait. C’est toujours le même

système. Ils veulent bien affronter les plus terribles épreuves Et m’ofîrir les plus redoutables exercices, Pourvu que ce soient eux qui les aient préalablement Choisis. Là-dessus les Pharisiens s’écrient et font des

éclats Et poussent des cris et font des mines et ces exécrables

Pharisiens Surtout prient disant : Seigneur nous vous rendons

grâces De ce que vous ne nous avez point fait semblables à

cet homme Qui a peur d’attraper la lèpre. Or moi je dis au con- traire, dit Dieu, C’est moi qui dis : Ce n’est pas rien que d’attraper la

lèpre. Je sais ce que c’est que la lèpre. C’est moi qui l’ai faite. Je la connais. Je dis : Ce n’est pas rieh que d’attraper

la lèpre.

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