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siècles. Ce qui n’a pas été donné depuis. Jamais. À personne. Heureuse celle qui d’un mouchoir, d’un vrai mouchoir, d’un mouchoir pour se moucher, d’un mouchoir impérissable essuya cette face auguste, sa vraie face, sa face réelle, sa face d’homme, d’un blanc mouchoir blanc cette face périssable ; sa face pitoyable ; et de le voir alors, dans cet état, le sauveur du genre humain, de le voir ainsi, lui, le sauveur de tout le genre humain, quel cœur insensible ne se fût amolli, quels yeux, quels yeux humains n’eussent versé des larmes ; cette face de sueur, toute en sueur, toute sale, toute poussiéreuse, toute pleine de la poussière des chemins, toute pleine de la poussière de la terre ; la poussière de sa face, la commune poussière, la poussière de tout le monde, la poussière sur sa face ; collée par la sueur. Heureuse Madeleine, heureuse Véronique ; heureuse sainte Madeleine, heureuse sainte Véronique, vous n’êtes pas des saintes comme les autres. Tous les saints sont saints, toutes les saintes sont saintes, mais vous vous n’êtes pas des saintes comme les autres. Tous les saints, toutes les saintes sont assis avec Jésus à la droite du Père. Tous les saints, toutes les saintes contemplent Jésus assis à la droite du Père. Et il y a, dans le ciel il a son corps d’homme, son corps humain glorieux, puisqu’il y est monté, tel que, le jour de l’Ascension. Mais vous autres, vous seuls, vous avez vu, vous avez touché, vous avez saisi ce corps humain dans son humanité, dans notre commune humanité, marchant et assis sur la terre commune. Vous seuls vous l’avez vu par terre. Vous seuls vous l’avez vu deux fois et non pas une seulement ; non pas une fois seulement, comme tous les autres, dans votre éternité ; non pas seulement la