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Du temps, la réserve d’être

Et le jour n’ouvre là dessus que par de méchantes fenêtres et des poternes.

C’est le jour qui rompt et le jour n’ouvre là dessus
Que par de pauvres jours

De souffrance. C’est le jour qui crève et les jours sont comme des îles dans la mer.

Comme des îles interrompues qui interrompent la mer.
Mais la mer est continue et ce sont les îles qui ont tort.

Ainsi ce sont les jours qui ont tort et interrompus ils interrompent la nuit.

Mais ils ont beau faire et eux-mêmes
Ils baignent dans la nuit.

Comme la mer est la réserve d’eau ainsi la nuit est la réserve d’être.

C’est le temps que je me suis réservé. Tous ces jours fiévreux ont beau faire.

Comme en pleine mer, en plein dans la nuit ils baignent en pleine nuit.

Ce sont eux qui sont dispersés, ce sont eux qui sont brisés.
Les jours sont des Sporades et la nuit est la pleine mer
Où naviguait saint Paul
Et le bord qui descend de la nuit vers le jour
Est toujours un bord qui monte
Un bord abrupt et le bord qui remonte du jour vers la nuit
Est toujours un bord qui descend. Dans la pleine nuit.

Ô nuit, ma plus belle invention, ma création auguste entre toutes.

Ma plus belle créature. Créature de la plus grande
Espérance.