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Mais comme les enfants le voient, comme les enfants le sentent, et ma jeune Espérance, comme les enfants le savent,

Dans la nuit, dans une seule et même,
Dans la seule et même nuit
Où se retrempe l’être.
En plein dans la nuit.

C’est la nuit qui est continue, où se retrempe l’être, c’est la nuit qui fait un long tissu continu,

Un tissu continu sans fin où les jours ne sont que des jours.
Ne s’ouvrent que comme des jours.
C’est-à-dire comme des trous, dans une étoffe où il y a des jours.
Dans une étoffe, dans un tissu ajouré.
C’est la nuit qui est ma grande muraille noire
Où les jours ne s’ouvrent que comme des fenêtres
D’une inquiète et d’une vacillante
Et peut-être d’une fausse lumière.
Où les jours ne s’ouvrent que comme des jours.
Où les jours ne s’ouvrent que comme des lucarnes.
Car il ne faut point dire que la chaîne des temps
Serait une chaîne sans fin
Où la maille suit la maille, où le chaînon suit le chaînon,

Où les jours et les nuits se suivraient égaux dans une même chaîne.

Un chaînon blanc, un chaînon noir, la nuit accrochant le jour, le jour accrochant la nuit.

Mais ils ne sont point égaux, ils n’ont point la même dignité dans cette chaîne.

C’est la nuit qui est continue. C’est la nuit qui est le tissu