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Nous voyons bien. Voyons ! madame Gervaise : souvent nous croyons bien que telle âme est damnée.

Madame Gervaise

— Ma sœur, quand je crois bien qu’une âme s’est damnée, je suis malheureuse et je donne à Dieu la souffrance nouvelle où mon âme est enclose à supposer damnée une âme encore ici.

On offre à Dieu ce que l’on a. On offre à Dieu ce que l’on peut.

Jeannette

— Et quand vous voyez, madame Gervaise, que vos prières sont vaines ?

Madame Gervaise
très vivement ; comme un cri sourd ; comme un cri secret :

— Jamais nous ne savons si la prière est vaine.

rougissant et se reprenant vite :

Ou plutôt nous savons que la prière n’est jamais vaine. Il y a le trésor des prières. Depuis que Jésus a dit son Notre Père. Depuis la première fois que Jésus a dit le Notre Père.

très ferme.

Et quand cela serait, c’est affaire au bon Dieu : nos âmes sont à lui. Quand j’ai fait ma prière et bien fait ma souffrance, il m’exauce à sa volonté : ce n’est pas à nous, ce n’est à personne à lui en demander raison.

Jeannette

— Et la souffrance.