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Madame Gervaise

— Il y a un trésor des promesses. D’un seul coup, du premier coup Jésus a tenu toutes les promesses. Il est venu et il a tenu toutes les promesses. Il a tenu toutes les promesses de Dieu, toutes les promesses des prophètes. Toutes les promesses de Dieu remémorées, répercutées par les prophètes, par la lignée des prophètes. Toutes les promesses faites à son peuple, au peuple d’Israël ; et en Israël à toute humanité. Singulières promesses. Elles ont toutes été accomplies du premier coup, elles furent toutes couronnées d’un seul coup. Et éternellement c’est de nous, c’est aussi de nous, c’est finalement de nous qu’elles attendent leur accomplissement, qu’elles attendent leur couronnement. Singulières promesses. Encore singulières. Doublement singulières. C’est à nous qu’elles furent données. C’est à nous qu’elles furent promises. Et c’est de nous en définitive que dépend leur accomplissement, c’est de nous qu’elles attendent leur couronnement. C’est en nos mains, en nos faibles mains, en nos maigres mains, en nos mains indignes, en nos mains pécheresses que réside leur accomplissement même et la promesse de leur couronnement. C’est le monde renversé. Celui à qui la promesse est faite est aussi celui qui en définitive tient la promesse, se tient la promesse à lui-même. C’est le monde à l’envers. Celui qui tient est le même que celui à qui c’est promis. C’est nous qui nous tenons parole à nous-mêmes, qui avons à nous tenir parole à nous-mêmes. Voilà ce que n’ont pas compris les docteurs de la terre.