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la race éternelle ; qui ne finira jamais, éternellement jamais. Car elle procède, car elle vient de la source qui ne tarira éternellement jamais.

Tous ces saints que tu allègues, ces grands saints, Charlemagne et saint Louis, sainte Geneviève et saint François, de Charlemagne à saint François je ne dis donc pas seulement que jamais ils n’auraient parlé comme ça, que jamais ils n’auraient parlé comme toi. Je dis qu’ils n’eussent entendu qu’avec horreur des paroles comme les paroles que tu viens de prononcer. Contre de telles paroles ils se seraient élevés, ils se seraient levés, ils se seraient soulevés de toutes leurs forces, de leurs pauvres forces, de leurs forces victorieuses. Contre le mauvais usage que l’on voulait faire d’eux. Contre ce pernicieux usage. Contre cet usage d’impiété, de les animer contre leurs frères, de les employer contre leurs prédécesseurs, contre leurs fondateurs, contre les premiers buveurs de la source éternelle, contre les premiers nourris de l’impérissable source.

Jeannette

— Je dis seulement ceci : jamais nous, nous ne l’aurions lâché.

Madame Gervaise

— Nous le lâchons tous les jours, malheureuse enfant, nous le lâchons tous les jours. Tu invoques saint François, ma pauvre enfant. Par madame Colette, par sainte Claire, par la filiation spirituelle de sainte Claire, fille spirituelle, sœur spirituelle, filleule spirituelle, compagne spirituelle, je me suis rangée sous la règle de saint François ; du même saint, de ce saint que tu invoques ;