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Autrement, s’ils servaient, ils seraient comme nous. Ils seraient aussi heureux que nous. Ils seraient comme Jésus en croix. Mais nous seuls avons le droit d’être comme Jésus en croix. Nous seuls avons le droit d’être à l’image et à la ressemblance, à l’imitation de Jésus, de souffrir à l’image et à la ressemblance ; à l’imitation de Jésus. Eux autres, les malheureux, ils n’ont pas même le droit d’être en croix.

Trop tard, trop tard, après il est trop tard.

Il y a sur terre, et c’est tout. Après ce n’est plus sur terre.

Il y a la souffrance de dessus terre, et après c’est tout.

Autrement ils ne seraient pas morts, ils ne seraient pas perdus, ils ne seraient pas damnés, ils ne seraient pas jugés.

Ils seraient des hommes comme nous ; ils seraient vivants, terrestres ; ils seraient des vivants ; ils seraient avant le jugement. Ils ne seraient pas après.

Un silence.

Ma fille, ma fille, il y a beaucoup d’Églises ; dans l’Église. Mais il n’y en a qu’une. Il n’y a qu’une Église. Il y a plusieurs Églises. Il y a la militante, où nous sommes. Il y a la souffrante, où nous éviterons d’être ; s’il plaît à Dieu. Il y a la triomphante, où nous devons demander d’être. S’il plaît à Dieu. Mais il n’y a pas une Église infernale.

Il n’y a pas une Église d’enfer.

C’est insensé. C’est une imagination absurde. C’est inconcevable.