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culminante. Pour moi, si je puis continuer ces études que nous avons commencées de la situation faite à l’histoire et à la sociologie dans la philosophie générale du monde moderne, suivant cette méthode que nous gardons de ne jamais rien écrire que de ce que nous avons éprouvé nous-mêmes, nous prendrons certainement cette grande crise comme exemple, comme référence de ce que c’est qu’une crise, un événement qui a une valeur propre éminente.

Ce prix, cette valeur propre de l’affaire Dreyfus apparaît encore, apparaît constamment, quoi qu’on en ait, quoi qu’on fasse. Elle revient malgré tout, comme un revenant, comme une revenante. Ce qui double la preuve, ou plutôt ce qui fait la preuve, c’est qu’elle ne se manifeste pas seulement dans un sens, dans l’un des deux sens, mais ce qui fait la preuve (rien ne prouve autant que le mal), c’est hélas qu’elle prouve, qu’elle se manifeste également dans tous les deux sens. Elle a dans le bon sens, dans le sens mystique, une force incroyable de vertu, une vertu de vertu incroyable. Et dans le mauvais sens, dans le sens politique, elle a une force, une vertu de vice incroyable. Aujourd’hui encore, aujourd’hui comme toujours, aujourd’hui plus que jamais on ne peut pas en parler à la légère, on ne peut pas en traiter légèrement, on ne peut pas en parler d’un air détaché. On ne peut pas en parler sans se passionner, aussitôt. Aujourd’hui comme jamais tout propos qui se tient, tout article de revue ou de journal, tout livre, tout cahier qui s’écrit de l’affaire Dreyfus a en lui, porte en lui on ne sait quel virus, quel point de virus