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d’autres peuples, l’immense majorité des peuples, la presque totalité soient marqués au contraire pour le silence et l’ombre, pour la nuit et le silence, pour tomber dans un silence, ne se lèvent que pour tomber, c’est un mystère que nous ne voyons pas, comme tous les plus grands mystères, précisément parce que nous y baignons, comme dans tous les plus grands mystères ; enfin qu’il y ait non seulement des hommes et pour ainsi dire des dieux temporellement élus, mais des peuples entiers temporellement élus et peut-être plus, c’est certainement peut-être le plus grand mystère de l’événement, le plus poignant problème de l’histoire. Qu’il y ait même comme des événements élus. C’est le plus grand problème de la création. Nous ne manquerons point, nous n’éviterons point de le considérer, de le méditer longuement dans les études que nous avons commencées de la situation faite à l’histoire et à la sociologie dans la philosophie générale du monde moderne.

Il faut donc le dire, et le dire avec solennité : l’affaire Dreyfus fut une affaire élue. Elle fut une crise éminente dans trois histoires elles-mêmes éminentes. Elle fut une crise éminente dans l’histoire d’Israël. Elle fut une crise éminente, évidemment, dans l’histoire de France. Elle fut surtout une crise éminente, et cette dignité apparaîtra de plus en plus, elle fut surtout une crise éminente dans l’histoire de la chrétienté. Et peut-être de plusieurs autres. Ainsi par un recoupement, par une élection peut-être unique elle fut triplement critique. Elle fut triplement éminente. Elle fut proprement une affaire