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Par exemple jamais la mystique civique, la mystique antique, la mystique de la cité et de la supplication antique ne s’est opposée, n’a pu s’opposer à la mystique du salut comme la politique païenne s’est opposée à la politique chrétienne ; aussi grossièrement, aussi bassement, aussi temporellement, aussi mortellement que les empereurs païens se sont opposés aux empereurs chrétiens, et réciproquement. Et la mystique du salut aujourd’hui ne peut pas s’opposer à la mystique de la liberté comme la politique cléricale s’oppose par exemple à la politique radicale. Il est aisé d’être ensemble bon chrétien et bon citoyen, tant qu’on ne fait pas de la politique.

Les politiciens, au moment qu’ils changent la mystique en politique, une mystique en une politique, si on ne les suit pas, alors c’est eux qui vous accusent de changer.

Nous en avons eu un exemple éminent dans l’affaire Dreyfus continuée en affaire dreyfusisme. On peut dire que les politiciens introduisent et dans l’action et dans la connaissance (où déjà il y en a tant, où il y en a tant de naturelles), des difficultés artificielles, des difficultés supplémentaires, des difficultés surérogatoires, des difficultés plus qu’il n’y en a. Et il y en a déjà tant. Ils veulent toujours, quelquefois par politique, mais généralement par incompréhension naturelle, par insuffisance, par incapacité d’aller profondément, que les serviteurs des mystiques deviennent les agents des politiques. Ils introduisent partout, ils découpent des déchirures temporelles gratuites, des déchirures politiques