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point de discernement, à ce point de discrimination. Nous sommes situés juste entre les générations qui ont la mystique républicaine et celles qui ne l’ont pas, entre celles qui l’ont encore et celles qui ne l’ont plus. Alors personne ne veut nous croire. Des deux côtés. Neutri, ni les uns ni les autres des deux. Les vieux républicains ne veulent pas croire qu’il n’y a plus des jeunes républicains. Les jeunes gens ne veulent pas croire qu’il y a eu des vieux républicains.

Nous sommes entre les deux. Nul ne veut donc nous croire. Ni les uns ni les autres. Pour tous les deux nous avons tort. Quand nous disons aux vieux républicains : Faites attention, après nous il n’y a personne, ils haussent les épaules. Ils croient qu’il y en aura toujours. Et quand nous disons aux jeunes gens : Faites attention, ne parlez point si légèrement de la République, elle n’a pas toujours été un amas de politiciens, elle a derrière elle une mystique, elle a en elle une mystique, elle a derrière elle tout un passé de gloire, tout un passé d’honneur, et ce qui est peut-être plus important encore, plus près de l’essence, tout un passé de race, d’héroïsme, peut-être de sainteté, quand nous disons cela aux jeunes gens, ils nous méprisent doucement et déjà nous traiteraient de vieilles barbes.

Ils nous prendraient pour des maniaques.

Je répète que je ne dis point que c’est pour toujours. Les raisons les plus profondes, les indices les plus graves nous font croire au contraire, nous forcent à penser que la génération suivante, la génération qui vient après celle qui vient immédiatement après nous, et qui bientôt sera la génération de nos enfants, va être enfin une génération mystique. Cette race a trop de