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était en avril. Instantanément tout disparut. Et il n’y eut plus que cette pureté antique, ce poème antique, tout l’antique, tout le païen, tout le tragique, toute l’harmonie évoquée, présente, dans peut-être pas même une colonne de ce journal ; d’aujourd’hui ; mouillé des presses ; que l’on vient d’acheter pour trois sous. Toute une élégie. Cœur de Français, écoutez encore cette phrase : J’ai vu Moréas marcher au côté de Verlaine. Mais déjà il se mettait en mesure de rejoindre Ronsard, Villon et Rutebeuf. Tout Homère était là, et l’ensevelissement et les funérailles des héros, et la mort des héros, tout Sophocle, et la mort des hommes mortels et les travaux et les jours.

Dans ces deux cents lignes, de prose, autant et plus qu’en un volume, autant et plus qu’en un livre, autant qu’en des vers, autant et plus qu’en un long poème.

Par quelle merveilleuse rencontre, mon enfant, c’est cela même que vous m’écrivez des confins de Mauritanie. C’est cela, c’est cet écho qui nous revient de si loin. Mais un écho si je puis dire lui-même originaire, un écho non parti, non lancé d’ici, un écho autonome. Un écho sans voix originaire, sans voix initiale. Que dans une matière romantique une pensée classique peut se mouvoir, vivre une vie classique, opérer une œuvre classique. Par une sorte de nucléation, de polarisation organique. Vous m’écriviez naguère et je recevais au commencement de cette semaine : Il m’apparaît que par exemple la mort de Violet (que je vous raconterai un jour) vaut celle de Baudin et qu’elle remplit les conditions que vous assignez très justement à l’événement particulièrement historique. — Voici une terre qui est