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gers l’un à l’autre, mais que le romantique peut, sous certaines conditions de culture, s’effectuer, s’achever, se couronner en classique.

Vous ne me pardonnez pas seulement, mon ami, de vous citer du Barrès ; vous vous en réjouissez dans votre cœur. La séparation, dit admirablement Halévy dans ce si beau morceau d’histoire qu’est son apologie pour notre passé, — la séparation se fit en un instant. À l’intérieur de la bourgeoisie parisienne, — (de la bourgeoisie parisienne, mon cher Halévy, tout notre débat est là), — seule capable de saisir promptement une affaire si nombreuse en ses détails, subtile en ses nuances, chaque famille fut en peu de jours à son poste, sûre de ses manœuvres et retranchée derrière ses portes closes. Car Paris a ses familles comme Florence eut les siennes, et ses maisons non couronnées de tours n’en abritent pas moins des factions guerrières. Votre maison, mon enfant, était contre la maison de Barrès. Violemment contre. Mais dix ans plus tard dans ce court séjour que vous fîtes à Paris je sais combien vous l’aimez et admirez comme écrivain, combien vous aimez et admirez son œuvre ; et pendant ce court séjour que vous fîtes vous avez éprouvé par un acte, par le décernement d’un acte, combien il aimait votre livre. Je crois, disait Barrès le 2 avril de cette année, dans cette sorte de cérémonie antique païenne qu’il y eut, je crois que j’ai recueilli le testament littéraire de Moréas. C’était il y a peu de jours, dans cette chambre où nous venons pieusement de lever son corps. Il avait demandé qu’on nous laissât tout seuls, et la garde elle-même s’éloigna. Nous avons causé de ce qui lui tenait le plus au cœur, de littérature, et il m’a dit : « Il n’y a