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des armes. Vous qui seul aujourd’hui savez, seul dans ces temps modernes, ce que c’est que le silence enfin et d’écouter, de longs mois, le silence. Vous qui savez ce que c’est que la solitude de l’âme et qui seul de nous en avez mesuré, en avez pu mesurer la profondeur ; vous qui seul de nous avez pu méditer dans des solitudes réelles, dans des créations solitaires ; vous qui contemplez des peuples enfants, des créations premières ; des natures premières ; nullement émoussées, nullement fatiguées ; vous qui avez entendu le silence de l’âme et qui ainsi ayez gardé votre âme première ; nullement émoussée, nullement fatiguée ; Grec, fils de Grec, Breton, grand Français pour qui l’Iliade est vraiment un récit de guerres comme il y en a, et l’Odyssée un récit de voyages, comme il y en a ; Français qui selon le rite antique, selon le rite grec, (hébraïque), (français) êtes nommé de votre père, et prénommé de votre grand-père ; vous par qui la culture et les lettres françaises figurent temporellement et aux confins géographiques et aux confins des héroïsmes militaires ; vous qui faites les seules inscriptions historiques dont nous sommes sûrs qu’elles se font en ce moment ; vous m’écriviez récemment, (mais il faut près de cinq semaines pour que ça vienne), (ici, de là-bas), homme au regard pur ; et au moins vous ne m’en voudrez pas, vous, mon grand ami, de penser à vous dans ces confessions. Vous êtes venu, vous, dans une des dernières contrées du monde, où l’on ait un peu pensé à l'« histoire ». Vous êtes un exemple éclatant de ce que disait Barrès dans son Adieu à Moréas, le 2 avril de cette année 1910, au Cimetière du Père-Lachaise, que le romantique et le classique ne sont point forcément, ne sont point toujours des étran-