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et de culte et de rite et de piété, grecque, antique, païenne, que dans les subtilités, dans les malices, dans les perpétuels procès d’Euripide. C’est en beaucoup de sens Euripide qui est le plus moderne.

§79. — De la deuxième part, pour faire varier ses tragédies, Racine en faisait varier les conditions plus extérieures, les situations, les conditions historiques et géographiques. Il en avait fait d’antiques. La première était antique. Elle contenait, elle était toutes les autres. Il en fit de romaines, d’impériales romaines, il en fit d’asiatique, il en fit une turque ; singulière inquiétude de changement, de variation ; de renouvellement par le dehors, par les topographies historiques et géographiques, par les conditions climatériques ; singulière inquiétude et qui trahit presque tragiquement, inquiétude tragique et qui trahit cette peur, en lui-même, cette impression, cette certitude de faire toujours la même. On pourrait même dire, on pourrait ajouter : il en fit deux hébraïques. Il était secrètement tourmenté de cette idée, de cette vue, de cette connaissance qu’il avait de lui-même. — Quelques lecteurs pourront s’étonner ([seconde] préface) — qu’on ait osé mettre sur la scène une histoire si récente. Mais je n’ai rien vu dans les règles du poëme dramatique qui dût me détourner de mon entreprise. À la vérité, je ne conseillerois pas à un auteur de prendre pour sujet d’une tragédie une action aussi moderne que celle-ci, si elle s’étoit passée dans le pays où il veut faire représenter sa tragédie, ni de mettre des héros sur le théâtre, qui auroient été connus de la plupart des spectateurs. Les personnages tragiques doivent être regardés d’un