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S’il y daigne écouter un conjugal amour,
Sur votre aveuglement il répandra le jour.
       Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne ;
Elle a trop de vertus pour n’être pas chrétienne :
Avec trop de mérite il vous plut la former,
Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer,
Pour vivre des enfers esclave infortunée,
Et sous leur triste joug mourir comme elle est née.

Pauline

Que dis-tu, malheureux ? qu’oses-tu souhaiter ?

Polyeucte

Ce que de tout mon sang je voudrois acheter.

Pauline

Que plutôt…

Polyeucte

                       C’est en vain qu’on se met en défense :
Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense.
Ce bienheureux moment n’est pas encor venu ;
Il viendra, mais le temps ne m’en est pas connu.

Pauline

Quittez cette chimère, et m’aimez.


Il faut du courage, et beaucoup de barbarie, et de la décision, et prendre sur soi, et se faire à soi-même un rude refoulement, et être résolu à se faire, à se donner à soi-même une bien triste opinion de soi-même pour couper ici, pour ainsi rompre aussi arbitrairement cette scène la plus liée qu’il y ait au théâtre, s’il est permis de parler ici de théâtre ; (et pourquoi n’en parlerions-